Lundi 30 Juin 1919 Ma petite Emma bien aimée Je te fais deux mots pour te donner...

Lundi 30 Juin 1919

Ma petite Emma bien aimée

Je te fais deux mots pour te donner de mes nouvelles qui sont toujours bonnes et je pense que tu es de même ainsi que toute la famille.

Je ne vais pas encore être bien longtemps sans m'embêter dans ce nouveau régiment. Huit jours sans nouvelles, je vais trouver le temps long. Et puis, ils ont déjà commencé ce matin à me courir sur l'haricot. Il m'a fallu faire les escaliers en me levant, moi qui ne les avais jamais faits, cela me semblait tout drôle. Enfin, il va bien falloir que je me refasse au métier, mais de force, je t'assure, pour ne pas me faire mettre en tôle, ce n'est pas le moment.

Par contre, la nourriture est bonne, il y a une grande différence avec la 4ème Cie du 75, mais ce qui la fiche mal, c'est qu'on ne touche pas de pinard, comme cela il n'y a pas de danger de prendre une cuite, car à partir de demain, il n'y en aura plus à la coopérative non plus. Il faut sortir en ville pour en avoir.

Et puis tu sais, comme ville, je suis bien tombé; une belle grande ville de trois mille habitants à peu près, c'est un vrai trou. C'est dégueulasse et il n'y a aucun amusement. Je suis sorti en ville hier soir pour voir un peu, mais je n'en ai pas eu pour longtemps, dans une heure, j'ai eu fait.

Vivement que je fiche le camp de là encore. Enfin, le principal c'est que la perme et la classe approchent tous les jours, heureusement. Je ne connais pas grand chose de nouveau pour l'instant.

Bien le bonjour à toute la famille et aux petits coeurs.

Reçois, mon petit ange chéri, les plus sincères amitiés de ton petit ami qui pense sans cesse à toi.

Mille bons baisers et caresses.

Vivement la perme que l'on passe quelques bons moments ensemble.

Modeste

21ème d'Inf, 2ème Cie à Langres, Haute-Marne.